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Doit-on mettre en place une tarification incitative de collecte des déchets sur Nîmes Métropole ?

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 10 février 2020 fixe un objectif de réduction des Déchets ménagers et assimilés (DMA) de 15 % en 2030 par rapport à 2010. Les collectivités en charge de la collecte des déchets sont chargées de trouver des solutions.

Une étude de l’ADEME de 2020 a dressé le bilan des territoires pionniers les plus engagés dans cette démarche. L’étude confirme que la tarification incitative est quasiment indispensable pour atteindre de tels objectifs.

Ces tarifications sont souvent accompagnées d’actions de sensibilisation et de prévention, notamment pour les biodéchets.

Alors doit-on aussi mettre en place une tarification incitative de collecte des déchets sur Nîmes Métropole ? Nous avons donné la parole à deux spécialistes, Mme Zérodéchet et M. Réaliste pour nous éclairer sur cette question.

 

Mme Zérodéchet

Sans hésitation, je pense que nous devons nous engager rapidement vers une tarification incitative. L’étude ADEME (https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/3628-territoires-pionniers-de-la-prevention-des-dechets.html) confirme les gains financiers et environnementaux d’une telle démarche.

Le coût de la collecte de déchets a baissé en moyenne de 22% pour les territoires pionniers. Les volumes des déchets collectés ont diminué sensiblement, le tri s’est amélioré et le compostage des déchets organiques a également progressé sur ces territoires.

Le bénéfice pour la planète et le portefeuille des usagers est donc très concret.

 

M. Réaliste

Je comprends votre enthousiasme, mais si on lit bien l’étude dont vous parlez, les territoires pionniers se situent essentiellement dans le Grand-Est et en Pays de Loire. Aucun en Occitanie !

Les mentalités du Sud et le tourisme de masse ne favorisent pas les comportements vertueux. Il suffit de voir comment les gens respectent les consignes de tri aujourd’hui pour comprendre que des systèmes plus élaborés ne pourront pas avoir les effets attendus ici. 

 

Mme Zérodéchet

Prenons l’exemple de la Communauté d’Agglomération du Grand Besançon qui a mis en place une tarification incitative dès 2012.

Dix ans après, le syndicat mixte de Besançon et sa région pour le traitement des déchets peut aller jusqu’au bout de la démarche en réduisant ses capacités d’incinération : il ferme un four. Tout le monde est gagnant.

Le principe de leur tarification incitative est simple. La redevance d’enlèvement des ordures ménagères repose sur trois éléments : un abonnement annuel modulé selon la capacité du bac (exemple 175, 48 € pour 120 litres) et un tarif par levée (2,79 € pour les bacs standards) et au poids de chaque levée (0, 256 € par kg). Chaque bac poubelle a été équipé d’une puce qui le lie à un usager, propriétaire ou locataire.

 

M. Réaliste

Tout le monde n’a pas de bacs de collecte, en particulier en centre-ville.  On ne va pas mettre des puces sur des sacs plastiques !

Par ailleurs, ce système peut aussi engendrer une hausse des prix de la collecte en fonction de la composition de la famille, comme cela s’est vu en Dordogne. Les familles avec des enfants ou des adultes incontinents utilisant des couches ont connu des hausses astronomiques de leur redevance. (cf article du Figaro Magazine : https://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/redevance-incitative-quand-la-collecte-des-dechets-tourne-au-cauchemar-20230417 )

Je vois déjà les conséquences de telles modalités chez nous. Le jeu consistera à attendre que son voisin sorte sa poubelle pour y mettre ses sacs et ainsi éviter la redevance de levée.

Pire, je vois même la dérive que cela peut entrainer. Des sacs d’ordures abandonnés près des containers à verre ou à textile comme on le constate régulièrement à Nîmes.

Ce système est certes vertueux mais pas dans une région comme la nôtre.

Le compostage est facile en maisons individuelles, mais plus difficile en immeubles collectifs et peu pratique en centre-ville. On demande déjà aux gens d’avoir trois poubelles dans leur cuisine. Et vous voulez en rajouter une autre ! Tous les appartements n’ont pas de grandes cuisines !

On risque aussi de mélanger des crottes de chiens, des déchets de viande et de poissons avec les épluchures de légumes dans les composteurs collectifs. Les plaintes des riverains pour les mauvaises odeurs vont se multiplier.

 

Mme Zérodéchet

Là où je vous rejoins, c’est que la mise en place d’une telle tarification doit s’accompagner de fortes actions de sensibilisation et de prévention. Cela ne s’improvise pas.

Les collectivités engagées ont multiplié les actions envers les usagers pour expliquer comment réduire au maximum ces déchets, comment les valoriser, comment bien les trier.

Cela suppose un engagement fort des élus sur cet enjeu et un budget pour financer ces actions. L’ADEME a produit de nombreux outils pour aider les collectivités à organiser de telles démarches.

https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/8056_communiquer_sur_la_ti_interactif_allege.pdf

C’est particulièrement vrai pour les biodéchets. A partir du 1er janvier 2024, la loi de 2020 précise que tous les ménages devront pouvoir trier leurs déchets biodégradables (déchets dégradables naturellement par des micro-organismes vivants) et les séparer du verre, des emballages ou du reste de la poubelle indifférenciée (L541-21-1 du code de l'environnement).

Or aujourd’hui les demandes de composteurs collectifs formulées par certains comités de quartier de Nîmes restent sans réponse.

 

M. Réaliste

J’ai peu vu nos maires et présidents d’agglomération très engagés sur des actions de sensibilisation à ce sujet. Ils se reposent trop souvent sur les campagnes nationales, comme celles de CITEO sur le tri, et quelques articles sur les consignes de tri dans leurs gazettes.

Le sujet des déchets n’est visiblement pas un enjeu prioritaire dans leurs programmes électoraux. Aucune mention dans le programme de 15 pages « Nîmes 2020-2026 » de l’équipe de Jean Paul Fournier !

La mise en place d’une tarification incitative n’est pas pour demain.

 

Sans conclure

La tarification incitative sera-t-elle un jour inscrite à l’ordre du jour de notre conseil communautaire ?

Le débat risque d’être musclé.

C’est certainement un sujet sur lequel une convention citoyenne locale permettrait d’avancer plus posément.

Et vous qu’en pensez-vous ?

 

Commentaire de Max Portal

J’ai lu avec attention les propos échangés sur le sujet entre Mme Zéro Déchet et M. Réaliste qui avancent leurs arguments tout aussi recevables les uns par rapports aux autres.

Pour autant je conserve une opposition à ce principe de la tarification incitative qui consisterait à faire payer l’usager sur la réalité de sa production de déchets.

Ainsi nous pourrions constater qu’une famille nombreuse socialement défavorisée de Valdegour payerait beaucoup plus qu’un couple de retraités habitant une maison individuelle du chemin du mas de Lauze à quelques centaines de mètres l’un de l’autre.

La redevance incitative génère un effet pervers qui est d’annihiler la solidarité républicaine du citoyen devant l’impôt.

Poussons le raisonnement à l’extrême :

Il y a bien d’autres moyens pour faire baisser la production des déchets

Le premier est celui que nous vivons actuellement et qui est imposé à tout le monde par une récession économique générée par l’inflation qui agit directement sur la consommation. L’objectif de la loi sur une diminution de 15% des DMA à l’horizon de 2030 sera atteint très rapidement à ce rythme-là. L’incinérateur qui était saturé l’an passé constate la chute notable des tonnages apportés ainsi que sur le Centre de Tri. Mais cela sera une baisse fragile car conjoncturelle (pour combien de temps… ??)

Le second passe par la pratique du compostage individuel de la fraction fermentescible des OM dans l’habitat individuel qui peut faire passer la présentation du bac du résiduel de 1 fois par semaine à 1 fois par mois. La diminution des coûts étant générée par la baisse de la fréquence de la collecte et du traitements des tonnages ainsi évités.

J’en suis beaucoup moins convaincu par expérience pour l’habitat collectif sur le long et même le moyen terme. Celui-ci étant quasi impossible en milieu urbain dense.

Aussi il faudra prendre en mesure que la limitation de l’écoulement du fermentescible au-delà de l’habitat individuel imposera une troisième poubelle pour le collectif et les centres-villes avec leurs périphéries et en découlera une 3ème collecte et un nouveau traitement par un compostage industriel de cette fraction.

Le troisième passe par l’éducation à la consommation, l’information des institutions vers les citoyens, aboutissant à une évolution des consciences… ce qui peut paraître en chemin, mais nécessite un effort constant…

 

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