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Un biscuit pour sortir de la pandémie ?

Que diriez-vous d’un beignet sucré pour répondre, dans nos villes, aux défis du « jour d’après » la pandémie ? Amsterdam et Lyon expérimentent une méthode appelée DONUT,  symbolisée par un beignet en forme d’anneau troué au milieu.

L’anneau intérieur est constitué par le socle des besoins vitaux dans notre société : logement, énergie, éducation, santé, égalité sociale ... Quiconque n’atteint pas ces normes minimales vit dans le trou du DONUT. L’anneau extérieur du beignet fixe les limites à ne pas dépasser pour éviter d’aggraver le dérèglement climatique, d’épuiser les sols, les mers, les ressources en eau douce et de ruiner la biodiversité.

Pour :

Entre les deux  on trouve la pâte du biscuit, autrement dit ce qui est bon pour chacun.e et pour la planète. A l’échelle d’une ville, le beignet – DONUT – est un outil pour passer à une gestion locale du XXIe siècle. C’est-à-dire pour ne pas renouveler les erreurs du « jour d’avant » : étalement urbain, précarité du logement, bétonisation des espaces naturels, discriminations dans l’accès aux biens et services. Le DONUT permet de réévaluer les actions municipales et l’usage des ressources budgétaires au prisme de ces objectifs.

Contre :

Cette théorie est très séduisante, mais elle reste une utopie sympathique déconnectée des réalités. Elle suppose en effet un effort fiscal à la hauteur de ces enjeux et une inversion radicale de nombreuses logiques de développement.

Satisfaire les besoins essentiels de tous, suppose un collectif capable de faire face à chacun de ces besoins. En conjuguant leurs compétences, il faudrait que l’Etat et les collectivités locales soient en mesure de financer la part de ces dépenses qui ne peuvent être couvertes par les revenus des ménages. Or aujourd’hui, l’Etat n’est pas en mesure de loger tous les sans-abris. Les Départements croulent sous la charge grandissante de l’action sociale. L’hôpital public accuse un déficit majeur de financement. Les ONG, grâce aux dons des particuliers, des entreprises et des collectivités, assurent une part importante de ces charges.

Pour atteindre cet objectif, il faudrait engager des changements majeurs au niveau international et national : suppression des paradis fiscaux, arrêt de la concurrence fiscale au sein de l’UE, réduction du budget de la défense, progressivité de l’impôt renforcée.

Pour :

Pour l’agglomération de Nîmes, on pourrait ainsi passer le projet de Palais des Congrès intra muros ou celui de Magna Porta au crible de cette méthode. On devine aisément les conclusions d’une telle analyse. Se dégageraient alors les zones rouges à l’intérieur de la ville : les besoins collectifs insatisfaits, les quartiers délaissés, la biodiversité malmenée, les mobilités à revoir. Et le plafond à ne pas atteindre à l’extérieur : la mise sous une pression insupportable de notre environnement. Les priorités budgétaires découleraient directement de ces analyses, sous le contrôle des citoyens.

Avec cette méthode, nous pourrions suivre et partager régulièrement l’évolution de certains indicateurs de respects des limites intérieures et extérieures du DONUT.

Contre :

Au niveau local, une commune peut agir sur le logement, l’accès à l’eau et l’assainissement, les écoles primaires, le soutien aux associations caritatives. Mais son domaine d’action reste limité au regard de l’éventail des besoins.

Que signifie « respecter les capacités de régénération de la planète » à l’échelle du bassin de vie nîmois ? Sur le plan énergétique cela veut dire une réduction massive des consommations, donc des modes de vie : des quotas de CO2 par habitant à arbitrer entre déplacements et chauffage des logements ? L’arrêt de  l’effondrement de la biodiversité suppose une remise en cause de nos modes de production agricoles ainsi que de nos modes d’aménagement du territoire : limitation draconienne de l’étalement urbain, préservation des zones naturelles, reconstitution des haies et végétalisation de la ville. Cela exige un bilan carbone neutre pour chaque entreprise, grâce à une refonte des modes de production et la mise en place de mesures compensatoires. Une collectivité locale peut certes agir sur différents leviers : rénovation énergétique des logements, place des modes doux de déplacements, transports en commun, plan d’urbanisme, aménagement des espaces publics. Mais il est illusoire d’imaginer qu’elle puisse rester dans les limites du « donut » en améliorant ses pratiques dans les seuls domaines de sa compétence.

Sans conclure :

La théorie du DONUT, imaginée par Kate Raworth, une économiste britannique, a l’avantage de bien mettre en évidence les deux axes prioritaires de toute politique locale : le social et l’environnement.  Les politiques de développement économiques doivent être au service de ces deux objectifs.

Il convient toutefois de prendre conscience du chemin restant à parcourir pour respecter les deux limites, intérieures et extérieures,  proposées par ce modèle.

Cette approche peut utilement aider à évaluer toutes les décisions budgétaires et réglementaires arrêtées au niveau local afin de s’assurer que l’on se dirige vers l’objectif et non l’inverse.

Le Palais des congrès à l'épreuve du DONUT

La logique du tourisme d’affaires et de la concurrence avec Arles, Avignon et Montpellier ont conduit Nîmes à imaginer avoir besoin d’un palais des congrès. Mais pourquoi créer un équipement public pour espérer des retombées dans l’hôtellerie et la restauration, en faisant concurrence aux autres villes et aux équipements privés existants (l’Atria et le C suites) ?

Ce n’est pas un besoin essentiel de la population. Le tourisme ne doit plus être l’alpha et l’oméga des emplois de Nîmes de demain. Les effets de la crise COVID 19 sur les comptes des entreprises et les changements d’habitudes de déplacements auront un impact très sensible sur ce créneau. Arrêtons de jouer la concurrence avec les autres villes. Lorsque l’argent public se fait rare, la coopération et la complémentarité doivent devenir les principes de bonne gestion.