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Faut-il bannir la délégation de service public

pour gérer l'eau d'une ville ?

Pour gérer l’eau potable et l’assainissement collectif, deux écoles s’opposent. Certains estiment que leur exploitation est mieux assurée par l’entreprise privée. D’autres, au contraire, affirment que la régie remplit mieux ce service public essentiel, dans l’intérêt des usagers et de la collectivité. Que faut-il penser de la délégation de service public (DSP) ?

Pour :

Le terme délégation de service public est parfois interprété comme « privatisation » de l’eau. Cette approche est erronée. La délégation de service public est une cogestion de l’eau par la collectivité et une entreprise privée. Pour l’agglomération de Nîmes, VEOLIA assure l’exploitation du service : bon fonctionnement au quotidien, réparation des casses, maintenance et entretien des ouvrages, contrôles, facturation, extensions du réseau … De son côté Nîmes Métropole gère les investissements et le renouvellement des réseaux. Cela se voit dans la facture de l’usager. Pour un mètre cube d’eau potable, VEOLIA encaisse 0,61 € HT et Nîmes Métropole 0,65 € HT.

Même dans le cas d’une régie, de nombreuses prestations sont déléguées au privé. L’étrange ressemblance entre les sites internet d’Eau de Nîmes Métropole et de la régie de Montpellier vient du fait que c’est la même entreprise qui a réalisé les deux sites, après avoir conçu le site VEOLIA de Lyon.

Contre :

Une DSP est un partage des responsabilités, pas une cogestion. Pendant longtemps le contrôle de la collectivité sur son gestionnaire est resté sommaire. Cela a conduit à des dérives.

Les motivations de l’entreprise ne rejoignent pas celles de la collectivité. L’entreprise assume sa mission tout en cherchant à réaliser des profits. Quand les profits sont proportionnés aux risques pris et restent limités, il n’y a rien à dire. Mais dans le passé à Nîmes, les profits de SAUR sur l’eau potable n’avaient rien de proportionné : ils constituaient une rente de situation.

Il est difficile de porter un jugement sur les comptes annuels communiqués par le délégataire. Si les produits, comme les consommations d’eau ou les travaux concessifs sont contrôlables, les charges ne sont qu’un constat comptable difficile à discuter. De plus la transparence n’est pas la règle dans une DSP. Dans une régie, les comptes rendus du Conseil d’administration sont accessibles au public, comme c’est le cas à Montpellier. Avec une DSP, les comptes rendus de conseil d’administration sont tenus secrets.

Pour :

L’entreprise délégataire assume seule les risques d’exploitation (baisses des consommation, casses et réparations, pertes liées aux fuites …), alors que les dépenses de la collectivité sont programmées. C’est une solution confortable pour les élus. De plus, dans les nouveaux contrats, la collectivité impose des objectifs précis à l’entreprise (rendement des réseaux, conformité de l’eau, respect des délais, …) sous peine de pénalités financières.

L’année 2020 à Nîmes montre que ce risque n’est pas que théorique. Pour sa première année d’exploitation, le déficit cumulé de l’eau et de l’assainissement de l’exploitant dépasse les trois millions d’euros.

Contre :

Lorsqu’une entreprise fait une offre lors d’une consultation de DSP, elle prend le risque de proposer un niveau de service et un prix sans avoir une connaissance exhaustive des réseaux et des équipements. Mais dans les faits, à chaque fois qu’une délégation de service public se révèle sensiblement déficitaire, l’entreprise va chercher à négocier un avenant pour corriger le déséquilibre. Elle ne peut assumer un tel déficit s’il s’avère durable. C’est la logique de l’intérêt de ses actionnaires. Le contentieux avec Suez (secteur Ouest) sur la période précédente en témoigne.

Dans une régie, il n’y a pas de conflit entre l’exploitation et la collectivité. Les problèmes sont abordés en transparence dans la recherche de l’intérêt général.

Pour :

Choisir une DSP, c’est aussi bénéficier de la force de frappe et d’innovation d’une entreprise à l’expérience internationale. En cas de coup dur, elle peut mobiliser sans délai des moyens matériels et humains pour faire face aux problèmes qui dépassent ses compétences ou moyens locaux.

Par ailleurs, un grand groupe bénéficie de volumes de commandes qui lui permettent des prix imbattables pour matériels, consommables et logiciels.

Contre :

Au final, on ne sait jamais si ces capacités de groupe sont facturées au juste prix. Pour Nîmes plusieurs conventions font remonter des sommes conséquentes à la maison mère VEOLIA sans qu’on puisse évaluer leur juste valeur au regard des services rendus.

Le réseau France Eau Publique regroupe actuellement plus de 100 collectivités et opérateurs publics en charge de l’alimentation en eau potable et de l’assainissement des eaux usées de plus de 15 millions d’habitants. Ce réseau permet aux régies membres des coopérations utiles pour progresser ensemble dans la réalisation de leurs missions.

Pour :

Dans une DSP la part du prix de l’eau qui revient au délégataire est fixée dans le contrat. Son évolution annuelle est régie par une formule d’actualisation. En 2021 elle a progressé de 0,88 %., alors que celle de l’agglomération  de 2,67 %.

Le débat sur le prix de l’eau est souvent faussé car ce prix dépend de nombreux facteurs : la part d'investissement et de renouvellement (environ 45 % du prix), la densité de population au km de réseau, le niveau de fuite,  la qualité des ressources, la productivité de l’exploitant ... S’y rajoute la marge du délégataire en DSP.

Contre :

La régie est la garantie du juste prix de l’eau. Les actionnaires ne demandent pas de dividendes et la performance de l’exploitant est contrôlée de manière très transparente par des élus et leurs services.

Sans conclure :

Le débat régie ou DSP est très sensible au moment où s’accélèrent les conséquences du changement climatique sur les ressources en eau. A Nîmes, commune et agglomération multiplient le recours aux DSP pour assumer différentes missions. Qu’en sera-t-il pour l’eau à la fin du contrat VEOLIA, début 2028 ?