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Est-il souhaitable d’adapter l’organisation des temps de la ville pour mieux y vivre ?

Chambéry, Montpellier, Quimper, Poitiers ont créé depuis plus de 20 ans des Bureaux des temps, ou une délégation au Temps de la ville. Objectif : améliorer la qualité de vie des habitants, mieux adapter les horaires des services publics, réduire les inégalités… Car le temps est une source d’inégalité : entre hommes et femmes, celles-ci ayant souvent des emplois à horaires déstructurés, sans compter la « double journée » travail-maison. Entre riches et pauvres, les premiers pouvant choisir leur temps, voire en acheter (gardes d’enfants, femmes de ménage) les seconds le subissant. Que font les villes qui agissent pour que le temps ne soit plus de l’argent, mais un moyen d’émancipation ?

Pour

La vie quotidienne est faite de zigzags permanents entre lieux de résidence et de travail, écoles, loisirs, commerces… Avec des emplois à temps partiels, à horaires décalés : au travail quand les enfants sont à la maison, en repos quand ils sont à l’école. Pour faciliter la vie, des villes ont créé des guichets rassemblant en un même lieu tous les services : guichets uniques de la rentrée scolaire (Belfort), maisons de services publics, services aux salariés (Poitiers). Elles ont accru l’amplitude horaire des crèches (Angers, Tours). Ou encore des services publics, piscines, bibliothèques ouvertes le dimanche (Montpellier). Pour adapter la ville aux usages des citoyens et non l’inverse.

Contre

Mettre en place une organisation différente des lieux et horaires de travail dans les services publics pose des problèmes complexes, notamment pour l’emploi des personnels ou le travail du dimanche. La baisse des dotations de l’Etat dans les budgets des collectivités conduit à réduire les effectifs et limite la capacité d’adaptation. De plus, il faudrait imaginer la ville comme un mouvement constant. Une municipalité est élue par une majorité de la population, mais en six ans, des habitants ou des entreprises ont quitté la ville, d’autres sont arrivés, les besoins ont peut-être changé. Les familles peuvent avoir aussi des réserves face à un changement d’organisation, par exemple si les enfants en maternelle et en primaire ont des horaires différents (ex : durant la pandémie, l’étalement des entrées en classe était très complexe avec plusieurs enfants).

Pour

Le temps est une ressource pour gérer les villes. Pour régler les problèmes de flux, par exemple à Nîmes, on agrandit les voies ou la capacité des transports en commun. Ce modèle est dépassé. Il vaut mieux une meilleure répartition des flux dans le temps. À Poitiers, les horaires de la faculté et de l’hôpital ont été légèrement décalés. Le réseau des transports a retrouvé de la fluidité. Le télétravail s’expérimente aux heures de pointe : démarrage de la journée à domicile et départ anticipé le soir. Pour une meilleure prise en compte des rythmes de vie, la dimension temporelle doit être inscrite dans les politiques publiques locales. A Nîmes, ce n’était pas le cas dans les différents programmes municipaux en 2020. Avec son nouveau Plan Local d’Urbanisme, Rennes ne se pense plus en distance, mais en temps d’accès (cf. « ville des proximités ») Les gymnases scolaires accueillent les clubs sportifs le soir. Les cours d’école deviennent terrains de jeu pendant les vacances. Un même équipement trouve des usages différents à travers le temps, soit dans la même journée, soit en fonction des périodes scolaires. Le droit au temps se conjugue avec la transition sociale et environnementale.

Contre

Elargir les plages horaires de certains services publics et différencier les horaires des établissements d’enseignement n’auront qu’un effet limité sur les flux de véhicules. De nombreuses études montrent que seuls les bouchons ont un impact sur le comportement des automobilistes : on change ses horaires de déplacement, on modifie ses choix de loisirs ou ses lieux pour faire ses courses.

Toute infrastructure nouvelle, toute fluidité gagnée crée des opportunités de déplacements. Les villes qui ont le plus développé la part des transports en commun et des modes doux, sont celles qui ont amélioré cette offre tout en pénalisant la voiture individuelle.

Vouloir utiliser un équipement scolaire pour d’autres usages, en dehors des périodes d’enseignement est une idée séduisante. Mais elle se heurte rapidement à des problèmes de responsabilités, de sécurité, de partage des coûts de maintenance et d’entretien entre collectivités ou avec des associations. Ponctuellement des actions sont possibles et de nombreuses communes de l’agglomération nîmoise le prouvent. Par contre un usage permanent sur l’année est plus difficile à mettre en place.

Pour

À Nantes, les agents d’entretien - majoritairement des femmes, travaillant soit tôt le matin soit tard le soir, passent au travail de jour, ce qui améliore leur qualité de vie. À Lyon, une Charte de la vie nocturne est négociée, pour prendre en compte les spécificités de la nuit et prévenir les éventuels conflits avec les riverains. Des Maires de nuit sont élus dans les grandes métropoles. La pandémie suscite le besoin de tiers lieux, d’espaces polyvalents (travail, formation, services), de bureaux de coworking à proximité. L’articulation avec les entreprises favorise l’innovation. À Nîmes, elle fait défaut si l’on songe que certaines, parmi les plus importantes – l’aéroport ou Bastide Médical, ne sont pas desservies par les transports publics. Offre adaptée de transports en commun, parkings relais, co-voiturage seraient autant de moyens à conjuguer pour une optimisation des temps de la ville.

Contre

Créer une offre de transport élargie et adaptée à tous les usagers (la nuit notamment), a des coûts de fonctionnement importants : mise en place d’équipes de nuit, sécurité des chauffeurs … L’optimisation est complexe, car la fréquentation est incertaine. De plus, la culture de la voiture, synonyme de liberté, d’autonomie, est difficile à contrer, même si la voiture partagée commence à se développer. Le délégataire du réseau de transport de Nîmes Métropole serait condamné à accroître la participation du contribuable au financement de ce service peu rentable.

Sans conclure

Les villes qui réussissent prennent le temps de la concertation. L’expertise des citoyens est indispensable. Elles sont associées au réseau Tempo Territorial. Ce n’est pas le cas à Nîmes. Peut-on y voir la cause d’un retard dans la prise en compte des temps dans la gestion urbaine ?

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