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Faut-il préserver les traditions nîmoises ?

À Nîmes, ville d'art et d'histoire, en pays d’Oc, région à la forte empreinte culturelle, les traditions sont inséparables de nos identités, quelles que soient nos origines. Conservatrices par nature, les traditions peuvent-elles évoluer ou sont-elles vouées à disparaitre au nom de la modernité ? 

Pour :

Le mot "tradition" vient du latin tradere "transmettre"… Si l'on en croit Malraux, la culture est l'héritage de la noblesse du monde. La tradition transmet cet héritage.

Contre :

La définition de la notion de tradition reste souvent floue, parfois confondue avec des coutumes ou des rituels obsolètes. Si les cultures sont la somme de traditions, certaines de ces dernières sont abandonnées, périclitent, disparaissent, sont remplacées.  La tradition serait acceptable si elle était "un progrès qui a réussi".

Pour :

A Nîmes, la tradition se décline de multiples façons. En redécouvrant, au XVIIIe siècle, les origines latines de la ville, nos devanciers ont fait de la romanité un élément structurant de l'identité locale. Les monuments antiques, avec ou sans label de l’Unesco, appartiennent aujourd’hui au patrimoine universel de l’humanité.

Contre :

Au point, trois siècles plus tard, d'en faire commerce touristique au travers, par exemple, des "Grands Jeux Romains" !  La tradition "à la nîmoise" est loin d'être appréhendée de manière dynamique, évolutive ...  Jean d'Ormesson répond ici à Malraux : "La plus haute tâche de la tradition est de rendre au progrès la politesse qu'elle lui doit et de permettre au progrès de surgir de la tradition comme la tradition a surgi du progrès."

Pour :

Regardonsl'histoire. A Nîmes, ville du textile, les fabricants ont recours, au XVIIIe siècle, à une main d'oeuvre venue des Cévennes, qui a importé les traditions culturelles liées à la langue d'Oc et un art de vivre populaire. Depuis lors, cet art de vivre - du maset à la vie de quartier en passant par la fête - n'a cessé de perdurer et de se renouveler... A Nîmes, ville du Sud, les jeux de l'arène sont une image-signe qui émerge au XIXe siècle, sous l'influence espagnole. Depuis lors, les tauromachies n'ont cessé d'être un élément du patrimoine cultuel local.

Contre :

A propos des fêtes traditionnelles, les fêtes "votives" sont un moment de convivialité, où tout un village se retrouve, partage des valeurs, festoie ensemble... Mais l'originalité de ces rencontres réside surtout dans la perpétuation des traditions camarguaises et la mise en lumière du savoir-faire des manadiers, un authentique métier célébré par Mistral ! Pourtant, les spécificités de la "vote" recèlent quelques pesanteurs : les saucisses grillées et le rosé frais remplacent les viennoiseries du matin... On s'ébaubit de ce que les fêtards sont en costume du temps passé et circulent en calèches fleuries. Mais le "plus" de la fête c'est qu'on déjeune à quelques dizaines de mètres des taureaux, et qu'ainsi les hôtes de notre région découvrent une culture, où du tri des taureaux jusqu'aux arènes, défile tout un peuple du village guidé par les gardians...

Pour :

Puisque l'on parle de culture découverte au travers de la tradition, rappelons qu'à Nîmes ville-carrefour de la Narbonnaise antique, les héritages viennent à la fois de l'Italie et de l'Espagne, du Nord comme de la Méditerranée. Cette vocation d'ouverture n'a cessé de faire de la ville un lieu de passage qui a modelé les qualités d'accueil de sa population.

Contre :

Ouverture, certes, mais chaque nouveau nîmois en a fait l'expérience : une tradition locale bien ancrée est celle de la difficulté pour tout nouveau venu à se faire admettre dans la collectivité locale... Nîmois "de souche" ou d'adoption, ça vous parle....

Pour :

Peut-être est-ce dû à ce que Nîmes est une ville de conflits, où l'on prend volontiers le parti du contraire (reboussier). Une ville où le protestantisme a trouvé, venant des Cévennes, un terreau favorable dès le XVIe siècle, et une ville où les guerres de religion ont laissé des traces, il est vrai aujourd'hui largement dépassées... 

Contre :

Dépassé : retenons l'expression. Il faut que la fête évolue en niveau culturel. Revenons aux manadiers, acteurs privilégiés de la fête votive. Bien davantage que des amuseurs, appartenant au folklore, ils repensent, à l'issue de la Covid 19, leur avenir professionnel. Ce sont des aménageurs de territoire, des éleveurs, des agriculteurs, des restaurateurs et des producteurs. Leur apport à la tradition est vraiment à reconsidérer.  Ils peuvent être des porteurs de futur, dans la mesure où leur tradition est « un progrès qui réussit ».

Pour :

Quand les gardians encadrent, sur les boulevards de Nîmes, une abrivado qui draine jeunes et moins jeunes, comment ne pas se dire qu'à Nîmes, au XXIe siècle, la modernité n'a pas effacé les "100 villes" qu'un journaliste des années 1990 avait décrites : ville des boulistes du Bosquet et ville du Nîmes-Olympique, ville du Prolé et des quais de la Fontaine, des comités de quartier et des garrigues, du Bd Victor-Hugo et de la ZUP, de la Feria et de la rigueur huguenote, ville de droite et ville de gauche...

Sans conclure :

Ces différents cercles ou communautés continuent d'exister, perpétuant d'anciennes traditions et autant de clivages. Mais la modernité n'a-t-elle pas créé de nouvelles divisions ?